Conserver le goût du pain avec des cuissons modérées

Conserver le goût du pain avec des cuissons modérées

Produire des baguettes pas trop cuites mais avec le goût du pain à la croûte. Tel est le challenge que les consommateurs ont lancé aux boulangers. Une attente paradoxale. Mais des leviers existent pour aider les professionnels.

La croûte joue un rôle primordial dans le goût du pain . En quête de fraicheur, les consommateurs recherchent des boulangeries qui proposent du baguettes cuites tout au long de la journée. Leurs achats plus fréquents ont modéré leurs attentes quant à sa durée de conservation. Ils sont par ailleurs demandeurs de produits plus souples, en particulier au niveau de la croûte. Ainsi, seuls un tiers des Français aspirent à une baguette bien cuite. Grâce à l’apparition des techniques de panification différée, les boulangers effectuent souvent plusieurs fournées dans la même journée et n’hésitent pas à modérer la cuisson. Mais cela n’est pas sans impact sur les qualités organoleptiques des pains. Pour autant, les consommateurs s’attendent à retrouver le goût caractéristique des pains à croûte et ses arômes typiques de caramel et de grillé. Le défi des boulangers : maintenir le profil goût du pain malgré une croûte moins épaisse.

Maintenir le goût du pain cuit dès le pétrissage

L’ajout d’ingrédients vecteurs de saveurs se révèle indispensable pour maintenir le goût du pain à croûte avec une moindre cuisson. Ils s’intégèrent au pétrin, lors de la préparation de la pâte. On parle d’aromatisation de la pétrissée.

Levains, choix des levures et extraits de levures pour renforcer le goût du pain

L’utilisation de levain dans le pétrin est une solution pour anticiper l’effet d’une moindre cuisson sur le goût du pain . Résultat d’une fermentation spontanée ou ingrédient industriel, tel que les starters, levains vivants actifs ou dévitalisés, le levain associe bactéries et levures. Il donne lieu à des produits finis typés par de leur acidité et leurs notes acétiques et lactiques. Le levain apporte des nuances aromatiques « crackers » et « grillées » au niveau de la croûte. Ces notes proviendraient de la transformation des acides organiques issus de la fermentation au cours de la réaction de Maillard. Les pains au levain seraient plus riches en composés volatils. Le recours au levain aide à compenser l’effet d’une moindre cuisson sur la saveur du pain.

Le choix des levures aide à renforcer le goût du pain . Outre leur pouvoir fermentaire, ces microorganismes créent aussi au cours de la panification des composés qui seront précurseurs dans la réaction de Maillard. Elles contribuent donc à la richesse aromatique. D’autres souches que Saccharomyces cerevisiae peuvent participer au développement du profil aromatique du pain : Saccharomyces exiguus, Candida spp., Torulopsis spp, Kluyveromyces spp et Pichia spp. Certaines produiraient davantage de composés volatils. Ces levures, présentant un moindre pouvoir levant, s’utilisent en complément de S. cerevisiae et des bactéries lactiques dans des cultures starters. Le goût de la croûte se trouve plus ou moins rétabli.

Des extraits de levures pour souligner la saveur de la croûte du pain

Les levures véhiculent leur goût et odeur propres, discernables à partir d’une certaine dose. Un atout précieux pour rehausser la saveur d’un pain à la croûte claire . Pour tirer profit de ces caractéristiques olfactives, il est possible d’utiliser des extraits de levure. Ces ingrédients naturels apportent une saveur umami provenant de l’acide glutamique. Il s’agit d’un exhausteur de goût présent dans la levure. L’utilisation d’extraits de levure permet de renforcer les nuances présentes dans la baguette ou le pavé.

Les extraits de levures s’avèrent de plus riches en composés aromatiques, à même d’ enrichir le goût du pain . Ils peuvent apporter des notes de « crackers », de « fromage », de « bacon » et/ou de « grillé ». Attention, leur utilisation se limite à certaines applications*. Entrant dans la recette dès l’étape de pétrissage, ces ingrédients constituent donc de bons candidats pour apporter des arômes à la future croûte. Ils sont capables de modérer les conséquences gustatives d’un pain pas trop cuit .

Parier sur les enzymes pour faciliter la production des arômes de la croûte du pain

Les protéases génèrent de courtes protéines aromatiques qui contribuent à la formation du goût des produits boulangers . Elles peuvent aussi libérer des acides aminés qui deviennent disponibles pour la réaction de Maillard. Elles apportent ainsi davantage de composés aromatiques au niveau de la croûte. Les lipoxygénases des farines de fèves et de soja assurent un blanchiment de la mie et engendrent un goût oxydé non désiré. Les amylases vont, elles, libérer des sucres réducteurs qui pourront être fermentés. Elles peuvent aussi servir de substrats à la réaction de Maillard. Ces enzymes participent ainsi à la coloration de la croûte et à la production des arômes . Elles compensent une cuisson faible, sous réserve d’une température minimale de 170°C.

Le malt s’obtient à partir de grains d’orge, blé, seigle ou sorgho, germés puis séchés, voire cuits. Cet ingrédient apporte à la pâte son activité enzymatique et sa richesse aromatique . L’extrait de malt consiste, lui, en un mélange de farine maltée et d’eau dans lequel les enzymes ont déjà travaillé. L’ajout de malts ou d’extraits de malt à la pâte permet d’apporter des notes de « café », « cacao », « noix », « noisette », « levain », « miel », « maltées » et/ou « fumées ». Un enrichissement à la fois direct et indirect, en favorisant la formation de composés aromatiques par l’apport d’enzymes dans la pâte .

Travailler le goût final en aromatisant

Il est possible d’ajuster et personnaliser le goût de la croûte du pain en appliquant une préparation liquide ou solide aromatisant. Ces techniques permettent des productions de qualité, aux goûts typiques et variés, compétitives et simples à mettre en œuvre.

Le fleurage ou sprayage après le pétrissage

Le boulanger peut aromatiser ses pâtons pour retrouver le goût du pain recherché par les consommateurs. Il procède à un fleurage, qui consiste à saupoudrer une farine (dusting), de la semoule, des graines ou des céréales sur la surface des morceaux de pâtes crue mis en forme. Ces ingrédients apportent leur goût, mais peuvent aussi être ajoutés en complément d’autres vecteurs présentés plus hauts. La composition aromatisante sous forme de poudre comprend 70 à 99 % de support (e.g. farine) et 1 à 30 % d’ingrédient vecteur d’arômes (e.g. malt). Une combinaison qui alimente la richesse olfactive des produits de panification obtenus .

Afin de s’approcher de la saveur d’un pain plus cuit , le boulanger peut procéder au sprayage. Cette technique consiste à pulvériser des ingrédients en milieu liquide sur les pâtons ou pains précuits. L’utilisation d’un spray garantit une répartition uniforme et diffuse du produit. La composition de l’aromatisant sous forme liquide est préparée par mélange d’au moins un ingrédient apportant l’arôme (à raison de 5 à 50 % en poids de composition liquide) dans de l’eau. Dans ce procédé également, le ou les vecteurs d’arômes de produits panifiés sont choisis parmi les ingrédients précités : malt, extrait de malt, dérivés de levure, levains ou leurs mélanges.

Des solutions convenant à toutes les méthodes de panification

Ces techniques d’ aromatisation qui peuvent être utilisées avant cuisson ou sur la croûte d’un pain . Elles s’adaptent à tous les procédés de panification. Elles se prêtent aux schémas directs, pousses contrôlées ou bloquées, au précuits frais ou surgelé, comme au cru ou pré-poussé surgelé. Ces méthodes sont donc tout aussi adaptées à l’échelle artisanale qu’industrielle. À noter : lorsque le fleurage ou le sprayage sont effectués avant cuisson, de nouvelles molécules aromatiques se développent par réaction de Maillard. Elles vont venir renforcer certains arômes apportés par la composition. C’est pourquoi, on utilise plutôt ces techniques avant cuisson.

Maintenir le goût du pain et de sa croûte, riche et typique, malgré une moindre cuisson est donc possible. C’est un critère déterminant dans le choix du consommateur. Afin d’aider les boulangers à relever ce défi, Lesaffre propose un panel d’ingrédients vecteurs de goût ainsi que les connaissances techniques associées permettant d’optimiser leur utilisation.