Comment diminuer la teneur en sel du pain

Comment diminuer la teneur en sel du pain

 

Notre consommation de sodium est trop élevée pour notre santé. Réduire la teneur en sel du pain la modérerait. Pour y parvenir, en préservant les qualités du produit, il faut ajuster ingrédients et process. Les extraits de levure ont un rôle à jouer.

Légende : La réduction de la quantité de sel dans le pain est un enjeu de santé publique.

Il est souhaitable de réduire la teneur en sel du pain , principal contributeur aux apports quotidiens. Cela nécessite d’adapter les doses dès le pétrin. Ainsi, depuis 2002, l’Anses préconise de ne pas ajouter plus de 18 g de sel par kilo de farine. En tant que boulanger, également consommateur et citoyen, vous savez qu’il convient de suivre cette recommandation. Plus facile à dire qu’à faire, car le sel est un pilier de la confection du pain. Réduire la teneur en sel des produits, sans en modifier les caractéristiques organoleptiques, relève du défi. Cela est techniquement possible mais la réponse est complexe.

Modérer la teneur en sel du pain, un enjeu de santé publique

La plupart des pays ont mis en place des mesures pour limiter la teneur en sel du pain et de certains aliments transformés. C’est le principal levier pour modérer la consommation individuelle. Celle-ci s’avère en effet bien supérieure aux besoins de nos organismes. L’OMS (Organisation mondiale de la Santé) recommande une consommation de sel de 5 g maximum par jour, soit moins de 2 g de sodium (Na). Au-delà, cela constitue une menace pour la santé. En jeu ? Des risques d’hypertension, de maladies cardiovasculaires et de cancer.
En 2012, les États membres de l’OMS se sont fixé l’objectif d’une réduction globale des apports en sel de 30% d’ici 2025. Celui-ci est naturellement présent dans de nombreux aliments comme le lait, la viande ou les fruits de mer. Mais une majorité vient des produits transformés. En France, la consommation moyenne serait de 6,7 g de sel par jour pour les femmes et 8,7 g pour les hommes. Et le pain représente environ 25% de cet apport. Il est d’ailleurs le premier contributeur (étude INCA3, 2017). De nombreux pays, ont ainsi engagé des mesures ciblées sur ce produit. En France, des démarches volontaires ont été mises en place depuis 2002. Mais elles ne suffisent pas à réduire la teneur en sel du pain , comme le constate l’Anses1 depuis 2016. L’adoption de taux maximaux de sel n’est pas exclue.

Des solutions techniques pour réduire la teneur en sel des produits de panification

Une baisse de la dose de sel dans le pain ne passe pas inaperçue. Nos papilles ne s’y trompent pas : le pain nous paraît fade. Vouloir moins saler la pâte suppose de trouver des compensations en termes de goût. Et cela peut entraîner une moindre appréciation du produit fini. Sur la base de nos expérimentations, une solution technique ne peut reposer sur un ingrédient unique.

Diminuer la dose sel dans la recette modifie son appréciation par les consommateurs 

Lorsque le boulanger va modérer le taux de sel dans le pain , ou tout autre produit de panification, la perception organoleptique par les clients est très modifiée. Selon les observations de nos panels, le produit est perçu comme plus fade. Les arômes de type  » froment » deviennent dominants. Ils éclipsent les notes rondes telles que « blé mûr », appréciées des consommateurs mais nettement diminuées.
Le sel, en plus d’être un exhausteur de goût, joue aussi un rôle prépondérant dans la réaction de Maillard. Il participe donc à la naissance des arômes de la croûte du pain. Baisser la quantité de sel dans la pâte va donc se solder par un pain aux saveurs moins complexes. De quoi affecter encore un peu plus la perception de la qualité générale du produit.

D’autres sels minéraux pour réduire la teneur en sel du pain

De nombreux sels minéraux peuvent être utilisés pour diminuer la quantité de sel , le chlorure de sodium (NaCl) dans les aliments. Chlorure de magnésium (MgCl2), chlorure d’ammonium (NH4Cl), chlorure de calcium (CaCl2), chlorure de zinc (ZnCl2) ou encore chlorure de potassium (KCl). Le problème est qu’ils ont tous le défaut de présenter des off-notes. Ces saveurs parasites affectent l’appréciation par le consommateur.
Le Kcl s’avère le plus utilisé dans l’industrie. Il a un pouvoir salant légèrement inférieur au NaCl. Il présente des notes métalliques/amères perçues lorsqu’il est utilisé seul. Cette substitution reste toutefois acceptable dans un mélange entre 11 et 22%. Il ne couvrira donc pas totalement, en termes de goût, l’effet de la baisse du sel recherchée dans le pain .

Ajout de glutamate, d’arômes, d’épices et acides des levains pour masquer un pain moins salé 

Les dérivés du glutamate de sodium, en tant qu’exhausteurs de goût, permettent de remplacer une part du sel . Mais leur utilisation demeure décriée, du fait de leur caractère allergisant et de phénomènes d’intolérance notamment. De plus, des off-notes apparaissent à forte dose. Autre piste : les arômes. Ils compensent la perte de flaveur en apportant plus de complexité en termes de saveurs du produit. Mais leur coût reste élevé et leur dosage délicat.
L’ajout d’épices peut aussi compenser la perte de goût des pains moins salés . Une solution porteuse réside dans l’apport d’acides, lactique et acétique, apportés par des levains. Ceux-ci peuvent être dévitalisés ou des starters. Ils permettent une réduction de sel de 10 à 20 %. Ils vont aussi enrichir les arômes au pain. De plus, ils en améliorent la texture et la conservation. Attention toutefois : à forte dose, ils augmentent l’extensibilité de la pâte.

Réduire l’apport de NaCl grâce aux extraits de levures 

Piste prometteuse pour modérer la dose de sel dans le pain : les extraits de levure. Ils sont naturellement riches en composés apportant de la saveur. Ils jouent d’ailleurs le rôle d’exhausteurs de goût en industrie. Utilisés seuls, ils modifient le profil aromatique du pain en lui apportant une typicité forte (fermenté, fromage, etc.). Ils ont aussi un effet sur d’autres caractéristiques sensorielles, comme la texture de la mie.
La levure désactivée constitue également une solution intéressante. Incorporée de 0,5 à 0,7% du poids de farine, elle permet d’obtenir une réduction du sel dans le pain d’environ 30%. Le déficit de saveur dû à la moindre quantité de sel dans le produit est compensé par un apport de notes « fermentées » et « crackers ». Cela complexifie le profil aromatique du pain.

Modifier la quantité de sel dans le pain, donc le dosage au pétrin n’en affecte pas que le goût 

En panification, l’ajout de sel a une vocation organoleptique , mais pas seulement. Il a une fonction technologique. Le sel joue à la fois le rôle d’exhausteur de goût et d’agent fonctionnel. Son incorporation plus ou moins forte va influer sur les caractéristiques de la pâte et du produit fini.

Un dosage du sel plus faible joue sur l’apparence du pain 

Le volume et l’aspect du produit fini sont impactés par une moindre teneur en sel . En effet, hygroscopique, le NaCl absorbe l’eau. S’il y a moins de sel pour la capter, elle l’est par les protéines. Une moindre dose de sel donne alors une pâte moins ferme. Lors de la cuisson, la gélatinisation de l’amidon a par ailleurs lieu plus tôt. Résultat, la croûte est moins fine et moins croustillante. Elle est aussi moins agréable à la mâche.
Le pain s’avère par ailleurs plus blanc et avec plus de pigments oxydés. Au cours du pétrissage, une présence de sel plus faible favorise l’oxydation par la lipoxygénase. Or, cette enzyme présente dans la farine cible les pigments caroténoïdes. Par ailleurs, la fermentation est favorisée, ce qui augmente la consommation de sucre. Il en reste donc moins de disponible pour la réaction de Maillard qui a lieu lors de la cuisson. La couleur de la croûte est donc modifiée.

La tenue de la pâte puis la conservation du pain affectés par une plus faible dose de sel au pétrin 

La quantité de sel joue sur la structure du réseau de gluten en favorisant sa stabilité et sa résistance. En effet, en passant de 0 à 1,8% de sel sur poids de farine, la force boulangère croit de 182 à 282. Avec une réduction du sel la pâte perd en ténacité. Elle se tient moins bien. Cela altère sa machinabilité. L’activité des levures est par ailleurs favorisée par une moindre dose. La tolérance de la pâte au pointage et à l’apprêt s’avère dans ce contexte moins bonne.

Reste la question de la conservation. Elle se révèle moins bonne en atmosphère sèche avec une dose de sel réduite. En effet, en fixant l’eau, le sel retarde le rassissement du pain  même si elle n’est pas le principal phénomène responsable. Il freine aussi la dessiccation de la croûte. En revanche, le pain va mieux se comporter en atmosphère humide. Une plus forte présence de sel dans le pain favorise en effet le ramollissement de la croûte.

Réduire la teneur en sel en panification est donc techniquement faisable. La problématique étant complexe, les solutions développées par Lesaffre résident dans des combinaisons ingrédient/process. Elles sont mises au point grâce à son savoir-faire en formulation et panification. Mais ces expertises sont aussi croisées et appuyées par des tests d’analyse sensorielle .

  • Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail