11 Mai La pâte à pizza, un produit commun mais technique
La pâte à pizza, un produit commun mais technique
Il existe une multitude de profils de pâte à pizza s’adaptant aux goûts et habitudes des consommateurs. Artisanales ou industrielles, leurs fabrication et utilisation supposent de la souplesse. Celle-ci peut être apportée par le choix des levures.
Légende : Plus ou moins fine, cuite au bois ou en moule, il existe plusieurs types de pâtes et de pizzas.
La pâte à pizza , c’est tout un art. Pas moins de 30 milliards de pizzas seraient consommées chaque année dans le monde. Un produit universel ? Oui et non. Présente sur tous les continents, il en existe de multiples variantes. Elles sont le reflet des préférences sensorielles et habitudes culturelles. Et cela ne s’illustre pas que par la garniture.
La napolitaine classique est fine et légère. Elle est cuite sur une pierre très chaude (600 °C environ), au four à bois pendant 0,5 à 1 minute. Aux États-Unis, la pizza a une pâte épaisse , peu cassante et plus tendre à la mâche. Le consommateur local plébiscite les produits de panification moelleux. Mais à Chicago, elles sont cuites dans un moule creux. La pizza reçoit une épaisse garniture. Et le fromage est recouvert par la sauce tomate. Dans le bassin indien, c’est la pâte qui se veut épaisse, en opposition aux naans. La pizza est considérée comme l’un des produits de boulangerie les plus variables (Edwards, 2007).
Divers procédés de production de la pâte à pizza
Légende : Les étapes de fabrication d’une pizza varient selon le modèle de production.
Une pâte à pizza c’est une pâte à pain garnie d’ingrédients. Pas si simple. Selon les attendus du produit et les lieux de fabrication et consommation, les procédés de fabrication s’avèrent multiples. Et ce, en termes de fermentation, de façonnage, comme de conservation ou de temps de remise en œuvre.
Une pâte à pizza dure et forte pour une confection artisanale
Le process artisanal de fabrication de la pâte à pizza ? Pétrissage léger, division calibrée, boulage serré et disposition en bacs. Puis, elle est mise au froid entre 3 et 6 °C. Les doses de levures sont en général faibles. Et les pizzaïolos espacent les pâtons dans le récipient pour prendre en compte leur future expansion. Une première fermentation débute sous l’effet de la chaleur de pétrissage. Une deuxième, lente, se joue au froid durant plusieurs jours. Ils peuvent être conservés pendant plusieurs jours. La farine doit être d’autant plus forte que les pâtons sont conservés longtemps au froid.
Peu avant le service, les bacs sont remis à température ambiante, ce qui facilite l’étalement de la pâte par étirement. Le pizzaïolo façonne la pâte à réception de la commande. Pour accélérer la production, il peut en façonner 2 ou 3 simultanément. Ceci n’est possible qu’avec une pâte à pizza assez dure et résistante. Une fois étalée et garnie, reste à la cuire. Avec un four à sole ou à bois, pour une cuisson homogène, il est nécessaire de déplacer les produits régulièrement. Des manipulations chronophages.
Des pâtes à adapter à la recherche de productivité des chaînes de pizzerias
Les pizzerias en chaîne préparent les pâtes à l’avance. Elles seront garnies et cuites à la commande… en moins de 15 minutes. C’est le délai admissible par le client. La fabrication des pâtes peut être gérée au niveau du restaurant par batch le matin ou l’après-midi. L’objectif est de tendre vers un même résultat de produit fini quel que soit le moment d’utilisation. La production peut aussi être centralisée dans un autre restaurant de la chaîne ou confiée à une boulangerie industrielle. La durée de vie des pâtons doit tenir compte des délais de livraison, jusqu’à 7 jours. Cela suppose des pâtes fermes avec des farines à 13,5-14 % de protéines sur matière sèche. Parfois, les chaînes recourent à des pâtes préfermentées avant d’être conservées au froid. Cela suppose d’utiliser des améliorants ou des levures spécifiques.
Les chaînes façonnent toutes les pâtes à pizza en amont du service et les stockent au froid. Elles seront ainsi prêtes pour les commandes. Contrairement à la production artisanale, il est possible de gérer différents types de pâtes (préfaçonnage, pâte en moule…) vecteurs de variété dans les gammes mises à la carte (pâte fine sans bord, à bord épais, voire garni par un ingrédient…). Côté cuisson, les chaînes s’appuient sur des fours à convoyeurs. Deux personnes chargent le four et une, voire deux, défournent à l’autre extrémité. Cette conception, en continu, permet de produire, à 3, plus de 1 000 pizzas par service quand un pizzaïolo n’en cuit que 100 à 120. Ces fours peuvent aussi être empilés, ce qui permet de doubler la quantité de pizzas cuites sans occuper plus de place au sol.
Les problèmes techniques des pâtes à pizza
Deux caractéristiques définissent une pâte à pizza : sa forme, ronde, et son épaisseur. Selon le produit visé et le process retenu, les contraintes et attentes vis-à-vis des ingrédients sont différents.
Des pâtes à pizza ronde et une épaisseur variable selon le produit visé
Légende : L’épaisseur de la pâte joue sur le croustillant et le moelleux de la pizza.
En production industrielle, les pâtes destinées à la confection de pizza sont généralement laminées. Cela génère des tensions dans la pâte, pouvant conduire à sa rétraction. Les découpes des fonds de pizza sont ovales. Un moyen de compenser ces déformations pour obtenir une forme ronde en sortie de ligne. Cela se révèle parfois insuffisant. Des solutions complémentaires doivent alors être mises en place. L’épaisseur de la pâte à pizza constitue une caractéristique clé. Elle joue d’ailleurs sur ses qualités organoleptiques. Comme pour tout produit de panification (cf. ci-dessous), le résultat final dépend de la levée. Elle repose sur la capacité de la levure à produire du CO2 et sur l’aptitude du réseau de gluten à le retenir. Si elle s’avère trop importante ou insuffisante, la qualité et l’identité même du produit sont compromis.
Pour la pizza fine , on utilise de la farine de faible force boulangère. Son réseau de gluten sera peu développé et ne retiendra pas le gaz. Ainsi la pâte s’étend mais ne lève pas. Pour la pizza à pâte épaisse , on emploie des farines plus fortes, permettant la formation d’un réseau de gluten solide. La pratique américaine consiste à utiliser des farines contenant 12% à 14% de protéines. Il est aussi commun d’ajouter du gluten vital séché, pour accroître la teneur en protéines (Edwards, 2007). Le recours à des levures adaptées, à même de supporter une panification différée (blocage de la pâte en froid positif ou négatif) fait aussi partie des solutions.
Surgeler et préserver le pouvoir fermentaire des pâtes
Plusieurs cas de surgélation existent pour les pizzas . Le procédé ne pose pas de problème particulier pour les produits garnis précuits. En revanche, pour les pâtons crus, il peut générer des défauts sur les produits finis, en particulier le manque de volume. Les pâtes à pizza crues surgelées disquées se révèlent encore plus sensibles que les pâtes à pain crues façonnées comme les baguettes. Elles se conservent moins longtemps. D’où l’opportunité de surgeler des boules de pâte à façonner après décongélation. La surgélation est susceptible d’altérer le pouvoir fermentaire des levures. Une fermentation de la pâte trop engagée avant la surgélation réduit par ailleurs le pouvoir fermentaire lors de son réveil.
La surgélation de pâtons crus façonnés, de pâtes à pizza comme de pain, peut aussi affaiblir la structure du réseau de gluten sous l’action des cristaux de glace (Rosell et Gomez, 2007). Et les phénomènes peuvent se cumuler. Le choix de levures optimisées permet de minimiser les défauts. En parallèle, une maîtrise des températures et vitesses de surgélation et quelques adaptations des recettes et process peuvent être mises en œuvre (Cauvain et Young, 2000). De faibles doses d’émulsifiants ou de matières grasses améliorent la stabilité des bulles de gaz. Minimiser le temps de repos de la pâte après le pétrissage , donc le pointage, freine le démarrage de fermentation. Utiliser une farine plus forte constitue aussi un ajustement bénéfique.
Des levures ciblées pour préserver la qualité des pâtes
Le choix de la farine est primordial pour garantir les propriétés des pâtes à pizza . Mais le choix de la levure (lien : https://lesaffre.fr/les-levures-quelles-performances-apportent-elles/) rend aussi de grands services.
Levures vivantes à pouvoir réducteur pour limiter la force de pâtes
Pour les pâtes à pizza , comme tous les types de panification présentant des risques d’excès de prise de force, les levures vivantes à pouvoir réducteur sont recommandées. Elles s’avèrent en effet intéressantes pour les procédés nécessitant des allongements importants des pâtons lors du façonnage. C’est aussi le cas pour le laminage de pâtes à pizza, par ailleurs sujettes au phénomène de rétractation rendant difficile l’obtention d’une base bien ronde. Leur utilisation est aujourd’hui répandue.
Il s’agit de levures actives séchées directement. Une partie de biomasse en périphérie des granules est détruite, générant ainsi de la levure désactivée. Il est nécessaire de mélanger ces coques de levures à de l’eau chaude avant leur mise au pétrin pour les réactiver. On récupère alors la partie de pouvoir fermentaire des levures survivantes et on met en suspension le glutathion, ses levures mortes périphériques. Celui-ci est à l’origine du pouvoir réducteur. Il va modérer la formation de ponts disulfures entre les protéines du gluten, donc limiter l’élasticité de la pâte de la future margherita .
Levures vivantes pour pâtes à pain réfrigérées
Pour le blocage des pâtes à pizza en froid positif, optez pour les levures vivantes dédiées. En froid positif, le métabolisme d’une levure classique est juste ralenti. Avec des stockages longs, une surfermentation peut survenir. Pour l’éviter, des levures spécifiques ont été sélectionnées : leur activité fermentaire est quasi nulle en dessous de 10 °C.
Placées en conditions de panification (25-30 °C), ces levures pour pâtes réfrigérées retrouvent un comportement comparable à celui des levures conventionnelles. Ce type de produit est bien adapté aux chaînes de pizzerias . Elles sont aussi idéales pour les pâtes prêtes à dérouler vendues en grandes et moyennes surfaces. Elles évitent que la fermentation ne se prolonge dans les linéaires, où les pâtes peuvent rester jusqu’à 25 jours.
Surgeler les pâtons sans affecter le pouvoir fermentaire
La surgélation des pâtons crus pour la confection de pizzas doit vous conduire à utiliser la levure vivante à humidité intermédiaire (ou LHIS, pour levure à humidité intermédiaire surgelée). Elle est adaptée à cette contrainte. En plus de résister au froid négatif, son action de fermentation est retardée. Cela permet de préserver sa viabilité et son potentiel de fermentation lors de la remise en œuvre de la pâte après un passage au congélateur.
Cet effet retard apporte aussi de la souplesse en cas d’interruption des lignes de production (panne, arrêt imprévu…). Les pâtons, pour pizza ou autres, peuvent supporter cette pause inopinée sans que leur comportement ne soit trop affecté. De plus, cette levure a une durée de vie de 2 ans et n’est sensible ni à l’oxygène de l’air ni à l’humidité ambiante.
Levures désactivées à pouvoir réducteur pour lutter contre l’élasticité des pâtes à pizza
Les levures désactivées à pouvoir réducteur ont subi un traitement thermique létal. Elles ne peuvent donc plus fermenter quand elle intègre une pâte à pain . Leur éclatement au séchage libère leur contenu cellulaire, notamment le glutathion à l’origine du pouvoir réducteur. En limitant la création des ponts disulfures, ces levures diminuent l’élasticité du gluten et réduisent ainsi les phénomènes d’ovalisation des pâtes fines et de rétraction des pâtes épaisses.
Pour le pizzaïolo , la levure à pouvoir réducteur confère de la tolérance à sa pâte. Celle-ci subit en effet une fermentation plus ou moins longue selon qu’elle est utilisée en début ou en fin de service. Elle évite de devoir rebouler une pâte pour une ultime quatre-saisons à cause d’un excès de fermentation. Sur les lignes industrielles, cette levure apporte une plus grande régularité des pâtes à pizza . À noter que, contrairement à d’autres additifs, les levures désactivées ne nécessitent pas de figurer dans la liste des ingrédients.
Bien que les pâtes à pizza semblent être un produit très simple à fabriquer, ce sont en réalité des produits de boulangerie complexes. Des solutions techniques existent pour répondre aux principales problématiques rencontrées. Elles passent par l’exploitation des fonctionnalités des différentes levures, combinée à l’expertise de la panification des pains plats (lien vers https://lesaffre.fr/recette-du-naan/).