La surgélation en panification

La surgélation en panification

Pétrissage, pointage, division, façonnage, apprêt, cuisson : la panification a longtemps constitué un process continu. Aujourd’hui, des techniques dites de panification différée, qui utilisent pour la plupart la surgélation, permettent d’interrompre le process afin de réaliser les dernières étapes au plus près du moment de vente. Pour le boulanger, la panification différée facilite l’organisation temporelle du travail et permet une meilleure gestion des stocks  ; pour le consommateur, elle garantit un pain frais et croustillant, disponible du matin au soir. Du cru surgelé au (pré)cuit surgelé, en passant par le pré-poussé surgelé et la pousse au four, chaque technique possède son propre champ d’applications en termes de produits finis. Tour d’horizon des principales techniques, des problématiques inhérentes à chacune et des solutions proposées par Lesaffre pour les maîtriser. 

I . Les contraintes techniques

 

1. Les principales problématiques rencontrées en surgélation

–  Fermentation insuffisante
Dans certains process comme le cru surgelé ou la pousse au four, la levée de la pâte aura lieu après l’étape de surgélation. Or cette étape est susceptible d’altérer le pou-voir fermentaire des levures. Ces micro- organismes peuvent en effet être forte-ment affectés par les contraintes physiques qui s’exercent sur leurs membranes au cours de la surgélation . Les membranes peuvent être dégradées par les cristaux de glace eux-mêmes ; elles subissent aussi la pres-sion osmotique liée aux mouvements d’eau qui s’opèrent pendant la surgélation pour rééquilibrer les concentrations des solutés présents dans le milieu.
En outre, si la fermentation commence avant la surgélation, la levure risque de consommer en excès les sucres intra-cellulaires dont elle aura besoin au moment du redémarrage de la fermentation, compromettant alors celle-ci. L’un de ces sucres, le tréhalose, exerce de plus un effet cryo-protecteur, qui ne pourra s’exercer s’il est consommé en amont. Il en résulte une fermentation de la pâte insuffisante en post-surgélation.

– Moindre rétention gazeuse
La surgélation de pâtons crus peut être à l’origine d’une altération de la structure du réseau de gluten (Rosell et Gomez, 2007). Notamment, une surgélation trop lente de la pâte conduira à la formation de gros cristaux de glace, pouvant déchirer le réseau ; une descente en température trop rapide génèrera au contraire des cristaux très fins mais fort susceptibles de s’agglo-mérer entre eux lors de la décongélation, créant alors de gros cristaux aux conséquences similaires. La durée de stockage de la pâte crue en froid négatif accentue la dégradation du réseau de gluten du fait de l’augmentation de la taille des cristaux de glace, qui s’agrègent au fil du temps .Or l’intégrité de ce réseau est essentielle pour permettre la diffusion et la rétention du gaz carbonique issu de la fermentation.
Les techniques de surgélation en cru, faisant intervenir la fermentation après la décongélation, sont ainsi propices à l’apparition de défauts de volume via deux mécanismes susceptibles de s’additionner  : d’une part, les risques de diminution du pouvoir fermentaire des levures, affectant la production de gaz carbonique ; d’autre part, les consé-quences rhéologiques de la surgélation sur le réseau de gluten, compromettant la rétention gazeuse. C’est pourquoi ces techniques nécessitent de prendre certaines précautions.

– Le phénomène d’écaillage L’écaillage, qui correspond au détache-ment de la croûte de la mie, constitue le principal problème des produits ayant subi une cuisson avant surgélation (Almeida et al., 2016), c’est-à-dire les pains précuits et cuits surgelés. L’écaillage résulte avant tout de la migration de l’eau vers la croûte lors de la surgélation, créant une zone de fragilité sur le pourtour de la mie, matérialisée visuellement par un anneau blanchâtre. La décongélation ainsi que le réchauffement final augmentent la dessic-cation de la croûte. Ayant perdu toute plasticité, celle-ci ne résiste pas à la pression de vapeur induite par le réchauffement et se décolle du pain. L’écaillage peut être amplifié par les chocs éventuels subis par les produits lors de leur manutention.

– L’affaissement
Dans le procédé de précuit surgelé, si une pré-cuisson trop importante provoque l’écaillage, une pré-cuisson insuffisante entraîne un autre défaut : l’affaissement. Celui-ci apparaît lorsque la rigidification de la croûte formée à la pré-cuisson est insuf-fisante pour assurer le maintien du produit.

– Le coût énergétique
Bien qu’elle permette d’organiser le process selon une temporalité maîtrisée, la surgélation génère des coûts énergétiques élevés liés au passage et au maintien des produits en froid négatif. Ces coûts sont proportionnels à la durée du stockage ainsi qu’au volume occupé par pièce. Les coûts énergétiques des pains précuits ou cuits, plus volumineux que des pâtons crus, sont donc plus importants (Tableau 1)

 

2. Choisir un process adapté au produit

Si certains process de surgélation conviennent à une majorité de produits, d’autres répondent mal aux exigences de qualité attendue pour certaines productions (Tableau 2 )

 

II. Les solutions

 

Les procédés de surgélation sont porteurs de nombreux avantages : ils permettent de répondre aux attentes des consom-mateurs de produits toujours frais, au bon moment ; ils allègent les contraintes organisationnelles des professionnels de la boulangerie ; ils offrent la possibilité de livraisons à distance des sites de produc-tion, en particulier pour les pains à croûte. Néanmoins, ces procédés confrontent leurs utilisateurs à de nombreux challenges techniques. Bien souvent, les défauts susceptibles d’apparaître peuvent toutefois être évités en jouant sur les process et la qualité des matières premières, ainsi qu’en utilisant le juste dosage d’ingrédients à propriétés fonctionnelles.

1. Préserver le pouvoir fermentaire des levures

Lorsque la levée de la pâte a lieu après la surgélation (cas du cru surgelé et de la pousse au four), le pouvoir fermentaire des levures doit être préservé jusqu’à cette étape. Pour cela, il est nécessaire de jouer sur plusieurs facteurs.

– Le type de levure
Les levures utilisées doivent être en mesure de résister aux contraintes physiques qui s’exerceront sur elles au moment de la surgélation. Notamment, leurs membranes doivent être en parfait état au moment de leur introduction dans la pâte. La levure fraîche se révèle ainsi mieux adaptée, tandis que les levures sèches sont à éviter (membranes endommagées par les traitements thermiques du séchage).Les levures osmo-tolérantes seront quant à elles recommandées en cas de surgélation de pâtes sucrées.

Deux levures adaptées : L’hirondelle pâtes sucrées et L’hirondelle bleue

 

– La dose de levure
Lorsque malgré tout, les conditions de process ou de stockage mènent à une perte de la viabilité des cellules de levure, il est nécessaire d’augmenter la dose de levure dans la pâte.

2. Protéger le réseau de gluten

Le réseau de gluten constitue un garant essentiel de la levée de la pâte. Or dans certaines techniques de panification différée, la surgélation est susceptible de dégrader ce réseau de gluten alors même que la pousse de la pâte n’a pas encore eu lieu. C’est notamment le cas pour le cru surgelé mais aussi pour la pousse au four. Pour garantir les propriétés rhéologiques du réseau de gluten, il est essentiel de veiller à son bon développement lors du pétrissage. À cet effet, des farines de force ainsi que du gluten vital doivent être utilisés . En complément, de nombreux ingrédients (levures désactivées, acide ascorbique, enzymes, émulsifiants) sont disponibles pour favoriser la structuration du réseau glutineux .

Nos solutions  adaptées à votre production.

  • Ibis Viennoiseries pour les pâtes sucrées
  • Croustilis Platinium et Ibis Direct Froid pour les pains blancs
  • Ibis pains spéciaux pour les pains spéciaux

 

 

3. Prévenir l’écaillage

La maîtrise de la pré-cuisson constitue le facteur déterminant permettant de minimiser l’écaillage des produits précuits et cuits surgelés. Pour être réussie, la pré-cuisson ne doit en aucun cas donner lieu à une coloration de la pâte. L’apparition d’un brunissement signifie la création d’une croûte ayant perdu toute plasticité, ce qui favorisera l’écaillage ultérieur.
Par ailleurs, l’écaillage est lié aux mouve-ments d’eau qui s’opèrent au cœur du pro-duit : migration vers la périphérie au cours de la première cuisson, déshydratation au cours de la surgélation puis de la seconde cuisson. Ainsi, limiter au maximum les pertes en eau pendant ces étapes consti-tue un élément clé pour prévenir l’écaillage.

4. Eviter l’affaissement

Les produits précuits, qui subissent une surgélation alors que leur croûte n’est pas totalement formée, s’avèrent particulière-ment sensibles au risque d’affaissement. Si elles sont respectées, des mesures aux effets complémentaires pourront prévenir facilement ce défaut.

5. Minimiser les coûts énergétiques

Certaines bonnes pratiques peuvent permettre de réduire le coût énergétique lié à la surgélation, sans négliger les mesures à prendre par ailleurs pour réduire le coût énergétique global de fabrication.
La température de surgélation (consigne de température) ainsi que la température des produits en sortie de surgélation doivent être très finement maîtrisées.

 

 

Conclusion:

Devenues incontournables en panification fraîche aux côtés des process directs, les techniques de panification différée reposent très largement sur la Conclusion surgélation. Cru, (pré)cuit, pré-poussé surgelés et pousse au four, chaque technique présente ses propres défis. Ceux-ci nécessitent une connaissance approfondie des phénomènes physiques opérant au cours des différentes étapes du process, allant des migrations d’eau aux cinétiques de descente en température. À travers l’expertise développée dans son réseau Baking Center, Lesaffre s‘est révélé pionnier dans le développement de solutions sur-mesure pour les process surgelés, au service des boulangers et des consommateurs.