05 Fév Nous stabilisons les farines issues de la nouvelle récolte de blé
Le passage de l’ancienne à la nouvelle récolte de blé rebat les cartes pour les meuniers. Lesaffre les aide à produire une farine constante tout au long de l’année.
La nouvelle récolte de blé présente des caractéristiques distinctes de la précédente. Or les professionnels de la panification ont besoin d’une farine stable pour garantir la qualité de leurs pains, viennoiseries et pâtisseries. Pour gommer les différences technologiques d’une année sur l’autre, les meuniers procèdent à des assemblages des diverses variétés disponibles dans leur région. Lesaffre assure une préconisation de correction garantissant à leur farine le comportement souhaité. Arnaud Coisnon, en charge du marché de la meunerie et intervenant auprès de l’industrie, détaille les grandes lignes de cet accompagnement.
Comment accompagnez-vous les meuniers dans la transition de l’ancienne à la nouvelle récolte de blé tendre?
Arnaud Coisnon : L’objectif est de standardiser la farine des meuniers d’une récolte de blé à l’autre, puis tout au long de la campagne. Nous proposons pour cela une correction enzymatique. Elle se compose de deux grandes familles, les alpha-amylases et les xylanases.
Notre travail consiste à associer l’une et l’autre activité, pour garantir une stabilité de la qualité de la production des meuniers d’une récolte à l’autre . Nous considérons que le marché français peut être divisé en plusieurs régions en fonction de l’offre et du process de fabrication des pâtes, qui définissent les variétés choisies par les agriculteurs.
Pouvez-vous présenter plus précisément ces régions boulangères, qui persistent d’une récolte de blé à l’autre ?
Arnaud Coisnon : Les pains sont à la fois le reflet des goûts et traditions ainsi que des variétés adaptées aux terroirs locaux. Des constances quel que soit le résultat des moissons de la céréale . Dans le Sud-Ouest, les produits vont être plutôt riches en ingrédients aux saveurs fortes, avec des levains qui vont alourdir le réseau de gluten. En région marseillaise, les pains sont presque précuits, avec une offre de style panini, de snacking et de la street food.
Au Nord, l’offre est plutôt liée à l’histoire de la population, où la mie doit être plutôt blanche en héritage du travail minier, et surtout sans trous pour les tartines. En Bretagne, les pains doivent être très volumineux. Les propositions de corrections des farines selon les années tiennent compte des profils de panification. Nous avons choisi de travailler sur 5 à 6 régions.
Comment qualifiez-vous les blés de la nouvelle récolte ?
Arnaud Coisnon : Nous nous adaptons au calendrier de mouture de nos correspondants meuniers, qui doivent eux-mêmes récupérer des lots de blés de la nouvelle campagne de plusieurs tonnes auprès de fournisseurs de leurs différentes zones d’approvisionnement. Avant l’arrivée de la moisson, nous accompagnons nos partenaires industriels en synthétisant des informations clefs pour la gestion de leur production de farine.
Début septembre, nous allons pouvoir observer les qualités technologiques des nouveaux mélanges de blés au pétrin . Nous analysons les lots de farines industrielles que nous récupérons, avec des tests physico-chimiques, du temps de chute d’Hagberg, des résultats d’alvéographe et enfin, au farinographe pour garantir des résultats sur la valeur plastique au pétrissage.
Quels autres tests réalisez-vous sur les farines à l’arrivée de la moisson ?
Arnaud Coisnon : Ensuite, intervient la partie panification avec une approche qui va partir de la méthode Bipea, comprise par l’ensemble des interlocuteurs de la filière boulangère et de la panification. Mais nous l’adaptons pour nous concentrer sur la problématique fermentation. Celle-ci va en effet se dérouler différemment selon les caractéristiques de la farine et donc des blés de l’année .
Au pétrissage, nos boulangers d’essai attendent la fin du lissage de la pâte pour en mesurer la température. Puis, comme le boulanger, ils attendent que la pâte ait terminé sa fermentation pour procéder à la mise au four . Et nous réalisons une observation de la pousse berlinoise, un dispositif qui garantit une levée de pâte idéale pour procéder à l’enfournement. Enfin, ils défournent puis ré-enfournent.
Sur cette base, vos experts vont déterminer quels sont les dosages enzymatiques les plus adaptés au millésime de la farine, c’est bien cela ?
Arnaud Coisnon : Tout à fait. L’équipe Lesaffre est composée de deux boulangers-boulangères, un formulateur, formulatrice et un/une enzymologue. Notre rôle est de standardiser la farine tout au long de l’année , via un cocktail enzymatique, d’amylase et de xylanase. Nos collègues doivent faire leurs préconisations dans les semaines qui suivent les premières moutures de l’été .
Chez Lesaffre, l’alpha amylase, qui découpe l’amidon en sucres fermentescibles, est sélectionnée et travaillée en termes de dosages via une analyse qui nous est spécifique : le rhizographe. Elle permet d’identifier, via une courbe, le dégagement gazeux tout au long de la fermentation par la levure , avec l’ajout de l’enzyme et sans. Selon les années et les régions, cette correction s’avère plus ou moins importante.
Comment se comportent les blés et farines pour la récolte 2023 ?
Arnaud Coisnon : Pour une vision globale et nationale des caractéristiques de la moisson, la première est que, sans correction, les pains issus des farines des nouveaux blés s’avèrent pâles. Les coups de lame se révèlent un peu timides. Nous notons de la tolérance, c’est-à-dire un gain de volume entre le premier temps et le deuxième temps de cuisson avec des fermentations plus longues.
Lorsque l’on remonte au niveau de la pâte, on relève une ténacité apparente avec les blés de l’année . Celle-ci devrait se renforcer après l’hiver. Une nouvelle correction sera sans doute nécessaire en fin de campagne.
Comment restituez-vous ces informations sur les corrections nécessaires pour les nouvelles moutures ?
Arnaud Coisnon : Nous distribuons nos conseils pour le passage aux blés de la nouvelle récolte par mail, courrier ou lors de visites. En fonction des marchés, nous vulgarisons plus ou moins nos documents. Nous restons très techniques avec les meuniers, moins auprès des promoteurs de nos choix d’améliorants pour le marché artisan. Et pour les industriels, nous proposons plutôt un accompagnement sur place, pour régler la ligne ou pour ajuster l’améliorant en place. Ils peuvent aussi retrouver ces informations sur notre site web, lesaffre.fr.
Du fait du réchauffement climatique, la nouvelle récolte de blé s’avère ressemble de moins en moins aux précédentes. Toutefois, les équipes de Lesaffre ont acquis au fil des ans une expérience qui permettent de tirer parti des similitudes entre les campagnes.